Maurice Bellet
La décomposition du christianisme
Article mis en ligne le 11 juin 2018
dernière modification le 24 juin 2018

par Webmaster

Certes, il y eut des temps mauvais ; ces moments du XXe siècle, en particulier, où se firent tant de départs : fidèles, prêtres, théologiens quittaient l’Église et la foi, et parmi les gens les plus estimables et en grand nombre, véritable hémorragie ! C’est une période qu’on préférerait oublier et qu’en fait on oublie. Sans doute, il y a un rétrécissement statistique assez impressionnant : du côté des fidèles, des prêtres ou des pasteurs, des vocations (comme on dit). Mais le plus gros de la crise est passé, ceux qui devaient partir sont partis. Le climat est différent.

Cette vue réjouissante est un déni, un refus de voir la réalité. Inconscient, sans doute. Ce n’est pas plus gai pour autant.

Protestation. C’est là une vue bien pessimiste et bien partielle. C’est mépriser tous ces croyants qui n’ont peut-être pas les belles supériorités de l’esprit critique, mais qui ont assez profondément la foi, l’espérance et la charité pour mériter un brevet d’authenticité. C’est méconnaître le travail immense fait en particulier par les exégètes pour précisément dégager la foi des représentations, des pratiques, des théories où elle s’est en quelque sorte engluée. Qu’on ne parle plus de l’enfer est un progrès. Cela n’empêche pas de prendre tout à fait au sérieux l’appel à la conversion de l’Évangile ou de constater comment l’enfer habite déjà ce monde-ci.

Le débat peut continuer. Mais la question demeure : est-on vraiment, en fin de compte, dans un moment de décomposition du christianisme ? Ce qu’il en reste est-il condamné à se défaire ou voit-on la possibilité, la présence d’un élan retrouvé ? Peut-être faut-il dépasser le simple constat d’une situation actuelle pour voir dans quel processus le christianisme est engagé.

Premier point : il faut s’entendre sur ce qu’on appelle christianisme. Ce qui est apparu avec Jésus et ses disciples a eu, dans la culture et dans la société, une influence incontestable - et immense. Même ses adversaires en dépendent. Et même ceux que les croyances chrétiennes laissent tout à fait indifférents peuvent admirer Rembrandt et les cathédrales, citer Saint Augustin ou Jean de la Croix. Mais ils sont dehors. Dedans sont ceux qui croient en Jésus-Christ, en le Dieu de l’Évangile, à l’Église ou pour le moins à la communion. Ce sont ceux-là qui nous intéressent ici. Leur nombre se réduit, on le sait, mais ce n’est pas le plus grave !