Maurice Bellet
La décomposition du christianisme
Article mis en ligne le 11 juin 2018
dernière modification le 24 juin 2018

par Webmaster

Dieu y est pensé sur le modèle des Pouvoirs qui, dans le monde archaïque, sont censés gouverner le Ciel et la Terre. Et plus la notion de Dieu progresse, se dégageant de l’idolâtrie jusqu’au monothéisme le plus intransigeant, plus ce modèle redoutable paraît convenir à Dieu. Le voici unique, tout-puissant, infiniment digne d’être aimé, vénéré, obéi ; finalement ce Dieu qu’on dit Amour absorbe tout, son Amour est notre malheur. Schème connu mais qui, hélas, peut tristement s’illustrer, hier et encore aujourd’hui.

Ce n’est pas l’existence de Dieu qui fait vraiment question. Le Dieu de Spinoza ou celui de Plotin n’ont plus ces dispositions fâcheuses. Il s’agit bien du Dieu chrétien. Mais à partir de là, tous ce qui trouvait en Dieu fondement et justification - le sacrifice, la rédemption, la foi elle-même - glisse dans l’irréalité, ou pire : ce Dieu de majesté devient odieux aux hommes, qui lui préfèrent leur liberté.

Même malheur pour la vie éternelle. Voici que la vie d’ici-bas n’est que passage et qu’elle va, par-delà la mort, vers ce moment extrême du jugement - notre destinée sera joie ou perte éternelles. Mais cette aventure suppose un paysage qui a disparu. L’astrophysique renvoie parmi les fantasmes épuisés ces images-là. Ajoutons qu’avec la perspective de la damnation menaçante, elle ajoute une touche de noirceur à la divine Majesté.

Double aspect du processus : c’est affaire de choix et de constats, l’un renforçant l’autre. Ce qui nous est proposé comme mode d’existence (morale, spiritualité, etc. - et droit canon !) paraît alors comme un refus, un rejet de la condition humaine, de ce qu’elle peut offrir de bon ; et à partir de croyances devenues obsolètes.